ICI. MAINTENANT.

Depuis 15 ans que j’étudie le yoga, j’ai entendu et lu ces deux mots « ICI MAINTENANT », des centaines de fois voire plus. Ils représentent une importante partie de la philosophie du yoga, si ce n’est son intégralité, si nous devions résumer ce qu’est la discipline du yoga.
Mais ce n’est que récemment que ces mots ont pris tout leur sens. Et même aujourd’hui, je me demande s’ils ont pris tout leur sens ou si je les comprends simplement mieux et peut-être que dans cinq ans, j’aurai une autre épiphanie qui les rendra encore plus pertinents.
C’est toujours très intéressant pour moi d’observer comment nous pouvons comprendre intellectuellement des notions ou des concepts, mais arriver à les vivre pleinement dans notre corps, dans notre cœur, est une autre histoire. Très souvent, nous sommes rapides à juger et nous pensons que nous savons, mais savons-nous vraiment? Avons-nous réellement ressenti dans nos cellules, dans nos tripes, dans notre cœur, le concept en question ou la situation que la personne traverse?

Mon mari et moi avons fait il y a quelques années des cycles de FIV (Fécondation In Vitro) pour essayer d’avoir un enfant. Et ce, malheureusement sans succès. C’est une histoire pour un autre blog et je partagerai certainement mon expérience à un moment donné si elle peut aider certains d’entre vous.
Pendant ce processus, la plupart des gens étaient compréhensifs avec moi, et cependant, je pouvais ressentir qu’ils ne pouvaient pas comprendre pleinement ce que je traversais. Certaines personnes ont plus de compassion que d’autres, alors leurs commentaires et leur soutien ont été très réconfortants et utiles, mais j’ai aussi entendu des commentaires qui ont été extrêmement blessants.
Comment peuvent-ils être offensants alors qu’ils essayaient de me réconforter?
Parce qu’ils n’ont pas vécu cette expérience; dans leur esprit, dans leurs pensées, dans leur corps, dans leur cœur. Donc, même s’ils essayaient, ils ne pouvaient pas vraiment comprendre.
J’ai appris beaucoup de choses de cette période que je partagerai à un autre moment, mais l’une d’entre elles est que; si vous n’avez pas vécu la situation en question, c’est vraiment difficile de se mettre à la place de la personne. Vous pouvez avoir de l’empathie et de la compassion et je pense en avoir si je juge à quelle fréquence les scènes du quotidien (heureuses ou tristes) ou les films, les documentaires (heureux ou tristes) me touchent et me font pleurer. Mais si on a pas connu la même expérience, c’est très délicat de se rendre compte et pourtant, la plupart d’entre nous pense que nous savons.
Si souvent nous formons rapidement un avis, surtout en ce qui concerne des questions de race ou de sexe. Mais est-ce que nous nous sommes vraiment mis à la place de la personne?

Récemment, une de mes élèves que j’aime tant a soudainement perdu son mari. Mon cœur a eu très mal pour elle et souffre toujours de cette perte innattendue. Nous avons pleuré ensemble, nous avons parlé et j’ai fait de mon mieux pour la réconforter. Même si je pouvais avoir une idée de ce qu’elle pouvait ressentir et traverser, je suis loin de pouvoir concevoir la réalité de sa vie quotidienne parce que je n’ai jamais vécu une telle situation.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que parce que je n’ai pas vécu une telle situation, je ne devrais pas essayer de comprendre ce qu’elle ressent et faire de mon mieux pour être à son service, je dis simplement que je ne comprendrai jamais complètement ce qu’elle traverse quand je ne l’ai pas moi-même vécu. Et bien sûr, pour compliquer les choses, nous vivons tous les expériences différemment.

Je suis désolée de parler de ces sujets intenses, mais ils font partie de la vie et devraient faire l’objet de discussions plus fréquentes afin que nous puissions être mieux équipés pour y faire face.

Revenons à « Ici Maintenant ». Vous vous dites peut-être: quoi?? En tant que professeur de yoga, elle n’a jamais connu le fait d »être « Ici Maintenant » ?? !!
Bien sûr que si. En fait, je le ressens souvent pendant ma journée et surtout quand: je médite (bien que certaines séances soient plus difficiles que d’autres) et quand j’enseigne (je dois être pleinement présente avec mes élèves).
Mais ce n’est qu’une petite partie de ce que « Ici Maintenant » signifie. Oui, je peux être dans l’ « Ici Maintenant » pour certaines parties de ma journée et je suppose que c’est mieux que jamais mais qu’en est-il du reste du temps?
Le reste du temps, très probablement comme vous, j’ai des doutes, des angoisses, des craintes qui profitent du fait que je ne suis pas dans l’ « Ici Maintenant ».
Ce que j’ai réalisé en écoutant un podcast sur le sujet, c’est que je suis peut-être stressée, anxieuse, par rapport à une situation spécifique qui se passe actuellement dans ma vie, mais qu’en est-il d’ « ICI MAINTENANT »?

Eh bien, si je regarde bien et suis honnête avec moi-même, « Ici Maintenant », je vais bien. Je suis par exemple peut-être en train de prendre un cours de yoga ou un repas avec une amie ou de me détendre à la maison. Mon esprit essaie de m’eloigner de ce moment présent alors qu’en fait, à ce moment précis, tout va bien.
Pour moi, cette réalisation est très importante car la plupart du temps, je vais très bien et ma vie est belle. Mon esprit veut parfois m’emmener dans une autre voie et me convaincre du contraire; que je serais mieux si j’avais un enfant ou si j’avais une meilleure stabilité financière … mais « Ici Maintenant », à ce moment précis, je vais bien: je suis en bonne santé, j’ai des étudiants qui m’aiment, j’aime mon travail, je suis une fille française qui habite à New York (rien que dans cette phrase, je me sens si privilégiée), j’ai un mari qui m’aime, la liste est en fait longue. Plus longue que la liste de mes doutes et de mes angoisses, mais parfois, cette dernière semble sans fin.

Alors, chaque fois que je sens mon esprit partir dans tous les sens, je reviens à ces mots « ICI MAINTENANT ». Je les laisse me pénétrer et je veux les vivre pleinement. Ils m’aident à me recentrer, à m’enraciner, à avoir une meilleure perspective de ma vie plutôt que d’amplifier la situation négative sur laquelle je me concentre.

Et peut-être que dans 10, 20, 30 ans je pourrai être « ICI MAINTENANT » tout le temps et finalement habiter complètement ce concept.
C’est sans aucun doute un processus et un chemin et je suis reconnaissante d’en faire partie.

Comme toujours, merci de me lire.
Namaste,