Sûtras, partage et émotions

Il y a quelques semaines, j’ai fini d’enseigner une formation de professeurs de yoga à Strasbourg. Le dernier jour, alors que nous faisions un cercle de clôture très émouvant pour terminer notre formation, j’ai demandé aux élèves de me dire quel sûtra avait eu le plus de résonance avec eux.
Pendant la formation, nous étudions et discutons les Yoga Sûtras de Patanjali, un livre décrivant la philosophie du yoga. C’est un texte qui essaie de répondre à comment fonctionne notre esprit et comment être moins affecté par nos pensées afin que nous puissions trouver l’état de yoga dans nos vies; un état de sérénité. Il s’agit d’une approche très méthodique; qui nous donne des outils pratiques pour nous aider sur notre chemin spirituel.
Un sûtra est un court aphorisme.

Aparté: pour ceux d’entre vous qui ne le savent peut-être pas, la pratique physique (ce que nous appelons le yoga mais qui devrait en fait s’appeler asana) n’est que la partie émergée de l’iceberg représentant le yoga. Les asanas sont seulement l’un des 8 membres du yoga, les 7 autres ont à voir avec nos relations avec les autres, avec nous-mêmes, avec la respiration et avec l’esprit.

Il y a souvent beaucoup d’émotions pendant la formation et le cercle de clôture. L’intensité des journées mais aussi les découvertes que les élèves font sur eux-mêmes physiquement et mentalement font toujours ressortir beaucoup de sentiments. Les émotions sont également très palpables en raison de la forte et profonde connexion que les élèves créent les uns avec les autres au cours de ces semaines. C’est si beau à voir.
J’ai moi-même suivi ma formation il y a plus de dix ans et au jour d’aujourd’hui, deux des personnes que j’y ai rencontrées sont toujours de très bonnes amies.

Alors que j’écoutais chaque élève expliquer quel sûtra l’avait le plus touché, j’étais fascinée de voir à quel point les sûtras avaient eu une expérience très profonde sur chacun d’entre eux.
Cela me rend si heureuse parce que je me souviens à l’époque comme ils avaient eu un profond impact sur moi. J’ai découvert les sûtras quand j’étudiais le yoga en Inde et ils ont touché l’intérieur de mon être même si je n’arrivais pas à tout comprendre. Et maintenant, chaque fois que je les lis, il y a quelque chose d’autre qui attire mon attention et qui m’aide à devenir une meilleure personne.
Chaque élève présentait des sûtras différents, ce qui était encore plus excitant car cela signifiait qu’ils avaient résonné profondément avec eux et laissé une trace personnelle.
Mon tour est venu et deux choses me sont venues à l’esprit à ce moment-là.

D’abord, le Sûtra 2.14 qui explique que notre bonheur dépend de nous-mêmes. Dans le commentaire anglais de Swami Satchidananda, il est dit: « Une vie heureuse ou malheureuse est votre propre création. Personne d’autre n’est responsable. Vous êtes votre meilleur ami ainsi que votre pire ennemi ».
Dans le passé, j’avais l’habitude de blâmer les autres ou mes circonstances pour ma situation. C’est tellement facile de mettre le blâme ou la faute sur quelque chose d’autre ou quelqu’un d’autre. De cette façon, nous n’avons pas à faire face à la situation parce que ce n’est pas de notre faute. Je pense que pour moi, cela a commencé par un manque de conscience, aussi par un manque de confiance et très probablement comme un moyen de mettre le fardeau sur les épaules de quelqu’un d’autre. C’est en quelque sorte un acte lâche puisque nous préférons endurer la situation plutôt que de prendre les mesures nécessaires pour la modifier. Ce que les yoga sûtras m’ont appris, c’est que les circonstances ne seront peut-être pas parfaites, il y aura toujours des situations difficiles mais même si je n’ai pas le contrôle sur ces situations, j’ai toujours le contrôle de mes réactions. Cela peut sembler très mince mais c’est en fait énorme.
Nous avons tous été dans un cercle vicieux de négativité et plus nous ajoutons du blâme ou du feu sur la situation, plus elle s’envenime.
Alors que si je suis capable d’adapter ma réaction à la situation et de prendre la responsabilité de ma situation, j’ai maintenant le pouvoir de faire un changement. Je prends le contrôle.
Je ne prétends pas que c’est une tâche facile; c’est extrêmement difficile et demande beaucoup de courage, mais la vision globale de la situation sera complètement changée et cela est un pas considérable dans la bonne direction.

La deuxième chose qui me vint à l’esprit lors de la cérémonie de clôture fut les concepts de Purusha et de Prakriti qui sont beaucoup traités dans plusieurs sutras. Prakriti est vu comme la Nature avec un N majuscule; ce qui signifie tout ce qui nous entoure (la nature, les bâtiments, l’intérieur de notre maison …) et nous également. Purushase réfère à l’âme, à la conscience pure.
La Nature change toujours; la seule constante est, en fait, le changement. Les 4 saisons, le ciel, nos meubles, nos vêtements, nos corps, nos pensées … tout est en évolution perpétuelle.
D’un autre côté, Purusha ne change jamais, cela reste immuable.
Pour moi, ces deux concepts sont très utiles pour m’aider à passer les moments difficiles que je peux rencontrer. Le fait de savoir que tout est toujours en fluctuation et que rien ne dure m’aide à revenir au moment présent (le seul moment dont nous avons vraiment le contrôle) au lieu de laisser mon esprit s’enfoncer dans le futur inconnu et inquiétant. Quelle que soit la situation de ce moment, elle peut être complètement différente demain si je prends le temps de la laisser être et de trouver des solutions.
Je trouve aussi cela très beau et si précieux de savoir que notre corps n’est qu’un véhicule dans cette vie. Il est la maison de notre âme, de notre moi le plus pur. Et notre travail ici, si nous sommes prêts à le faire, est de découvrir ce bijou précieux.

Je vous laisse avec une de mes citations préférées sur le yoga par Donna Farhi:
« Le yoga est le processus de déconstruction de toutes les barrières que nous avons érigées qui nous empêchent d’avoir des liens authentiques avec nous-mêmes et avec le monde. »

Namaste,

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